samedi 24 mai 2008

Le jour où j’ai failli me faire lapider

Aujourd’hui, 8 mars 2005, journée dédiée à la femme (aux femmes), je participe à ma première manifestation pour le droit des femmes. Cette année, les principaux mots d’ordre sont en faveur d’une meilleure égalité des salaires, contre les violences faites aux femmes (principalement les violences conjugales) et pour le droit à l’avortement. Je me baladais de cortège en cortège pour prendre la ‘’température’’ de la manif : quels sont les cortèges ‘’pêchus’’ et ceux qui le sont moins, quelles sont les organisations présentes et celles qui sont absentes ?

L’ambiance était bon enfant… Au début du moins. Premier incident : j’ai eu le malheur de traverser le cortège de Lutte ouvrière… là furent les premières attaques. ‘’Vous n’avez rien à faire ici !’’. Tout de suite, avec une amie, nous répondons à ces femmes que nous avons autant le droit d’être ici qu’elles. Cette embrouille vite oubliée, je continue ma balade et qu’est-ce-que je remarque par terre ?! Un mini tract sur lequel on voit dessiné une jeune demoiselle qui porte un voile, avec un air un peu ingénu, suivi de la légende suivante : ‘’Petite sotte, si un homme viole ta pudeur, ne te voile pas, crève lui les yeux’’ !. Ce dernier était signé ‘’CNT’’. Je m’interroge encore sur la pertinence et l’utilité d’un tel tract ?... Certainement que la CNT (1) se préoccupe tellement des femmes qui portent le voile qu’elle avait décidé d’en faire son principal combat (c’est connu le féminisme de la CNT !!).

Je ramasse ce bout de papier dans l’intention de le montrer aux copines et copains parce qu’il faut avouer qu’il était hallucinant ! Un peu avant la fin du parcours de la manif, j’accompagne une amie à l’entrée du métro car elle devait prendre son train pour Rennes. Je retourne à la manif mais celle-ci commençait à se disperser. Autour de moi, ne restait plus aucun visage familier. Les copains avaient certainement dû se poser dans un café comme à notre habitude. Je m’apprêtais à appeler pour savoir où ils étaient quand une femme s’approche de moi : elle était hystérique, s’agitait dans tous les sens et me criait que ma place était en Iran, que si j’étais dans ce pays ou en Afghanistan, je ferais moins la fière… Je me retrouvai très vite entourée d’une meute de femmes enragées qui me hurlaient de quitter la place. Déstabilisée par un tel déchaînement de haine, je trouve quand même le courage de leur faire face et leur réplique : ‘’Comme ça c’est moi qui suis la cause de tous les malheurs que subissent les femmes ? Puisque vous étiez à cette manif pour dénoncer les discriminations faites à leur encontre et vues les réactions hostiles dirigées contre moi,on pourrait croire que tout cela est de ma faute ! Et bien, je vous propose une solution : lapidez-moi sur la place publique et tous vos problèmes disparaîtront !’’.

Je ravalais une larme de colère et m’apprêtais à quitter l’endroit quand, cerise sur le gâteau, une toute jeune demoiselle me tend le flyers dont je vous ai parlé plus haut…Je craque et lui réponds les larmes aux yeux : ‘’Merci, grosse conne (pardon pour le langage), mais la petite sotte a déjà eu la chance de tomber sur votre tract ! Et je n’ai nul besoin de vos conseils pourris !!’’. Sa réponse m’a complètement effondrée : ‘’Mais pourquoi es-tu si violente ?’’ A ce moment, je cherchais juste une échappatoire… Un ami me voyant entourée ainsi, courut à ma rencontre et m’extirpa de ce lynchage annoncé !

Vous vous demandez pourquoi j’ai été la cible de tant de haine ? Je vous donne donc l’indice que j’ai omis volontairement dans mon récit : je suis musulmane et je porte un hijâb, le voile… Est-ce que cela légitime toutes ces réactions ? Je vous laisse le soin de répondre… Maintenant que vous avez ce nouvel élément, relisez le texte et voyez si vous êtes autant outrés…

Hanane

Ce texte est paru dans L’Indigène en mars 2007.

(1): Confédération Nationale du Travail (syndicat anarchiste).

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