mercredi 1 octobre 2008

« Ainsi, tout le monde verra qui nous sommes »

une fiction de Stella Magliani-Belkacem



J’ai 14 ans. J’habite Babel depuis 8 ans. Je suis l’aînée de 7 frères et sœurs. Nous habitons les courées. Entassés comme tous les autres.

Je suis ouvrier constructeur. Ça dépend des mois, je fais 150, 148 par mois, j’ai jamais dépassé plus. J’en ai 8 des enfants. J’ai quatre pièces, deux en bas, deux en haut.

Mes études je veux les continuer jusque 18 ans, peut-être 20 ans. Les enfants ce sera deux, pas plus. Comme je vois ma mère elle arrive à s’en sortir avec nous, mais quand même c’est trop. Avoir des enfants, ils nous cassent la tête.

Je vais me sacrifier pour qu’il va être mieux que moi mes enfants. Moi si je suis un ouvrier constructeur je voudrais bien ou bien ma fille ou bien mes garçons ils reçoivent les félicitations.

Ils sont là. Entassés. Mieux logés que dans les courées, c’est vrai. Mais parqués comme du bétail. C’est ici les quartiers de transition. On y accède après avoir satisfait un rapport d’enquête qui tient compte du peuplement du logement, de l’équipement du logement, de facteurs exceptionnels, de facteurs d’appréciation dont la solvabilité, la tenue des locaux, la tenue des personnes, le milieu social. Est-il quelconque ou vulgaire ? Primaire, rustre ou en évolution ? Ou, est-il parfaitement adaptable ? Toutes ces questions pour prétendre habiter ici. Pour deux ans en principe. Souvent plus.

Ici on est à peu près 400 enfants. Et c’est trop je trouve. C’est comme qu’ils auraient fait une clôture et un fossé tout autour de nous. Les maisons elles sont plein de salissures, les coins ils sont tordus, les murs ils s’usent. Ici y a que des arrivants. Y a une bonne ambiance mais seulement c’est trop regroupé. On a l’impression que c’est fait exprès que tous les arrivants soient regroupés comme ça. Les Babeliens sont pas différents des autres, ah non, mon père il travaille, leurs pères ils travaillent, qu’est-ce j’en ai à foutre moi, ils disent ce qu’ils veulent. Un jour y avait trois hommes, des Babeliens, ça se voyait à leur mine, ils passaient et puis moi j’étais là, je les ai entendus, ils disaient comme ça que ici c’est les illégaux , alors moi j’étais tellement écoeurée que je les ai regardé jusqu’à là-bas, jusqu’au bout. On dit qu’on pue, que les arrivants amènent les poux. L’erreur n’est pas permise ici pour nous.

Il est un problème grave qui se pose aux arrivants, c’est la rupture qui peut se poser entre parents et enfants. Les parents, très imprégnés de leur culture initiale, ont un certain mal à s’adapter à nos habitudes babeliennes, à notre langue… Mais pour les enfants des arrivants, c’est tout le contraire. Les enfants d’arrivants apprennent le babelien à l’école, ils parlent babelien avec leurs camarades… Bref, ils sont complètement babelisés. Ils risquent alors d’être coupés de la langue de leurs parents, de la culture de leurs parents. Des efforts sont entrepris pour trouver des solutions à ce problème.

Les enfants d’arrivants rejettent leur culture initiale parce qu’ils sont confrontés à un autre milieu qui est beaucoup plus séduisant. L’apprentissage, ou le réapprentissage de la langue initiale à ces enfants leur permet de mieux saisir leur personnalité, de mieux saisir leur patrimoine culturel et de se présenter à la société babelienne comme des enfants équilibrés qui ont eux aussi, à leur tour, quelque chose à apporter.

Seulement 15% des enfants d’arrivants connaissent ou apprennent leur langue initiale. Dans plusieurs quartiers de l’agglomération, des groupes de bénévoles, composés d’arrivants évolués, ont mis en place des animations linguistiques.

Que préfères-tu ? Le babelien ou ta langue initiale ?

Beaucoup d’enfants d’arrivants demeurent encore écartés de ce type d’animations faute de moyens financiers et pédagogiques, mais aussi de locaux et de compréhension. Babel ne prend peut-être pas suffisamment en compte les spécificités linguistiques et culturelles de tous ces enfants.

Intéressons-nous aux enfants d’arrivants en milieu scolaire. Ces enfants, dont le babelien n’est pas la langue initiale, y compris ceux nés à Babel, doivent concilier deux choses très difficiles. D’une part la scolarisation babelienne, et d’autre part leur culture initiale.

Y en a à l’école ils me parlent pas. Je suis une arrivante. La maîtresse elle dit rien, elle s’en fout, elle dit c’est ton problème.

Ils sont près de 900 000 de moins de 16 ans, enfants de l’Exil, aux racines lointaines. Enfants d’arrivants, on leur impute tout : le manque d’hygiène, la baisse du niveau de l’enseignement, et même le désordre des courées et des quartiers de transition.

Avec les enfants d’arrivants comment ça se passe pour vous ? A mon niveau ça se passe bien, mais disons que certaines personnes évitent de mettre leur enfants au groupe scolaire laïque et gratuit parce qu’il y a des arrivants. C’est que ça retarde la scolarité. Enfin, au niveau du primaire je crois pas trop. Disons que c’est aux parents peut-être de donner un soutien mais on peut se débrouiller, y a toujours une solution. Y a toujours une solution à un problème.

Quand on parle de l’enseignement dispensé à ces enfants, le vrai problème qui se pose très rapidement c’est la connaissance du babelien. Et pour beaucoup c’est une réelle difficulté dans la mesure où ils ne peuvent bénéficier du soutien familial.

On sait pas lire, on sait pas écrire alors pour aider nos enfants on sait pas. Alors il faut quand même ils nous aident. Puisqu’on travaille ici, qu’on aide ici, on est des coopérants, non ? alors faut bien que Babel nous aide aussi. Pourquoi on est là ? Moi je suis venue à l’âge de 15 ans. Je me suis mariée, mes enfants ils sont nés là. Alors quand mes enfants ils reviennent de l’école et qu’ils me disent maman à cause de toi je sais pas le vocabulaire et tout comme il faut, moi je dis c’est à la maîtresse de l’aider, c’est pas à moi. Moi je sais pas lire. Moi j’ai pas été à l’école. D’où je viens, pendant la guerre on payait tout. Fallait payer pour tout, même pour l’école. On pouvait pas. Alors moi je veux que mes enfants ils aillent à l’école, je veux mes enfants qu’ils deviennent un jour quelque chose.

30% des enfants arrivants fréquentent l’école primaire et ces enfants prennent du retard scolaire, donc nous avons pensé qu’il fallait faire quelque chose et nous avons fait appel aux enseignants. Ce retard scolaire est dû à une mauvaise compréhension du babelien. Très souvent, malgré qu’ils soient nés ici. Ils manquent véritablement de vocabulaire. Dans ces 30%, seulement 13% d’entre eux suivent un cursus normal tandis que les autres intègrent le cursus de perfectionnement.

Pourtant aujourd’hui les enfants d’arrivants sont scolarisés comme les Babeliens dès la maternelle. Simplement, dès que se pose le problème de l’apprentissage du babelien, on essaie d’envoyer les petits arrivants dans des classes d’initiation. Mais le nombre de ces classes est nettement inférieur au besoin réel et le problème reste posé pour la majorité d’entre eux.

Depuis lundi c’est la fin de la période légale interdisant les expulsions. La famille Nita, une famille d’arrivants babelisés, vit à Babel depuis 25 ans. C’est une famille de onze enfants. Ils sont sous la menace d’une expulsion.
Le 3 novembre monsieur le commissaire il est venu ici, il a ramené une lettre et il a dit voilà lendemain matin vendredi ils prendront les enfants mineurs pour les mettre au centre fermé et moi et mon mari et les enfants majeurs dehors ! J’ai pas confiance. Jusqu’à aujourd’hui j’ai caché mes enfants pour qu’ils restent avec moi. Je donne pas mes enfants, pas la peine ils pensent avoir mes enfants. L’Office Public ce qu’il m’a répondu c’est à cause problèmes de voisinage. Quand j’étais le voir, le jeudi il reçoit les gens, monsieur l’officier il est sorti là dans la salle d’attente et il a vu tous les papiers et les feuilles sur mes genoux il a dit c’est toi Nita ? J’ai dit oui monsieur l’officier et il a dit je te reçois pas, t’as compris ? C’est ce qu’il m’a répondu, devant les gens. M’a pas fait entrer dans son bureau. Devant les gens, comme ça, il m’a répondu. Alors moi je comprends pas pourquoi ils veulent m’expulser. De quelles raisons ?

Monsieur Nita devrait, avant de me demander un rendez-vous, répondre aux convocations du président de l’Office Public. Pour ma part, je n’ai pas de conflit direct avec monsieur Nita. Il travaille, il est constructeur pour la commune, je n’ai rien à lui reprocher en ce qui concerne son travail. Mais qu’il réponde préalablement aux convocations de l’Office Public et qu’il vienne débattre du conflit qui l’oppose à l’Office ! Il y a, ceci étant, des plaintes de centaines de personnes qui ne peuvent pas vivre comme ça non plus. La famille Nita, avec ses onze enfants, est une famille, parmi quelques autres, responsable des dégradations. On cherche à faire en sorte que ces gens là arrêtent sans pour autant qu’on les expulse. C’est ce qu’on cherche et c’est ce dont la famille Nita n’a pas voulu.

Depuis quelques jours, et jusqu’à dimanche, a lieu la semaine du Dialogue, organisée par le secrétariat d’Etat aux constructeurs arrivants. Une semaine qui nous invite à une réflexion, fraternelle autant que possible, sur les arrivants, mais qui est, cependant, diversement accueillie par leurs organisations même, voire par les syndicats de constructeurs. Certains disent, en effet, qu’une semaine par an pour dialoguer sur les arrivants, c’est trop peu à côté de 51 semaines de pression. Quoiqu’il en soit une véritable politique de l’arrivée passe par l’accueil, l’information, le logement, la répression accrue du trafic de main-d’œuvre, l’alphabétisation, la scolarisation, la pré-formation systématique, et surtout le respect de la dignité. On a demandé officiellement aux policiers de ne plus tutoyer les arrivants. Les syndicats policiers sont d’accord. Mais bien souvent, trop souvent, les arrivants rencontrent surtout l’indifférence, les brimades, les tracasseries administratives, voire les expulsions. Chaque mois, 3000 à 4000 arrivants sont reconduits dans leur pays initial. Et on se demande ce qu’il va se passer pour les 300 000 d’entre eux qui vont voir leurs cartes de travailleurs-constructeurs expirer cette année. Il y a actuellement sur Babel 4 000 000 d’arrivants, près de 8% de la population totale de la Cité. Sur 4 000 000, 1 800 000 sont des constructeurs actifs.

Cet après-midi, à la suite du conseil des ministres, un certain nombre de mesures ont été annoncées. Suspension provisoire des expulsions, arrêt de toute expulsion de jeunes arrivants et encouragement au rassemblement des familles. Le secrétaire d’Etat chargé des arrivants a ensuite apporté des précisions : la situation des arrivants arrivés avant le mois de janvier et ayant un poste de constructeur stable seront normalisés et une loi garantissant les droits des arrivants est en préparation. Mais parallèlement, on va renforcer le contrôle aux frontières de la Cité pour éviter les arrivées non régulées. Il est vrai que ce problème de la place des arrivants dans la société babelienne existe et qu’il est difficile d’y trouver une solution à un moment où, les travaux de la Tour étant pratiquement terminés, la pénurie d’emplois est très importante dans notre Cité.

En trente ans, ils ont construit 7000 km de Tour, une pierre taillée sur quatre sort de leur main, une machine sur sept est fabriquée par eux : les constructeurs arrivants. Peut-on aujourd’hui s’en priver ? Pour cela, il faudrait que la revalorisation du travail manuel soit plus rapide. Un grand nombre de babeliens refusent encore les travaux effectués d’ordinaire par les arrivants. Cependant une récente enquête de l’office des arrivants prouve que sur trois postes de constructeur vacants, un poste est pris par une babelien. A l’époque de la Grande Arrivée, les arrivants étaient alors les bienvenus, acceptant les postes de constructeurs dont les babeliens ne voulaient pas. Aujourd’hui, la Tour étant sur le point d’être achevée, on regarde les constructeurs arrivants d’un œil différent, on parle d’eux en quotas, en taux de pourcentage, en seuil de tolérance. Lorsqu’ils sont arrivés, il y a 30 ans, rien n’était préparé pour les accueillir, alors sont nées les cités de réception, résorbées 20 ans plus tard. Les ouvriers se sont logés près de leur lieu de travail, et tout naturellement dans le centre de la Cité, The Tower Quarter, faisant le bonheur des loueurs de couchage, arrivants évolués ou Babeliens. Bien que passibles d’emprisonnement ou d’amendes, ceux-ci continuent d’exercer leur triste commerce. Scandaleusement les loueurs de couchage louent à plusieurs la même cabine. Par une extraordinaire rotation les constructeurs arrivants occupent la cabine à tour de rôle, par tranches de 8 heures, pendant que les autres occupants sont sur le Chantier.

J’ai demandé plusieurs demandes logement. Quand je suis téléphoné il m’a dit si, y a pas de problème, quand j’ai été me présenter m’a dit c’était pris y a cinq minutes. Y en a beaucoup ils aiment pas les arrivants.

Les quartiers de transition deviennent de moins en moins provisoires, de plus en plus définitifs. Ils s’érigent à la périphérie de la Cité, abritant uniquement des familles encore nationalisées. La discipline y est parfois difficile, la promiscuité trop importante.

Ici chacun il vit comme s’il a oublié lui-même. Y a pas de sorties ni rien du tout. Jamais de la vie des babeliens ils nous invitent chez eux. Moi je l’ai invité comme les copains qui travaillent avec moi mais il veut pas qui vienne chez moi

En tant que Babelien je me sens moi aussi rejeté par les arrivants. Quelquefois la violence vient de leur part et pas de la nôtre. Très souvent. Ils font comme un complexe du fait qu’ils sont pas babeliens. Ou bien ils se disent et bien ma foi on nous regarde un petit peu comme des renégats, c’est pas vrai mais bon. Dans le fond je pense que c’est pas moi qui est violent. Je recherche pas leur fréquentation, voyez. Par contre s’ils me sont sympathiques, s’ils sont gentils, je suis gentil avec eux. C’est tout.

Tous les matins l’Office des arrivants voit grossir ses files d’attentes. Renouvellement, prolongation, normalisation prouvant leur identité, leur fonction, leur droit de résider dans la Cité Babelienne. Certains s’informent aussi des possibilités de retour en pays nationalisé. Les nouveaux accords concernant la réinstallation des arrivants dans leur pays initial, une fois la Tour érigée, sont toujours à l’étude. Leur application s’en fait attendre.

Des rondes de contrôles de police s’organisent jour et nuit. Malgré ces contrôles, depuis plusieurs années, 200 000 à 400 000 constructeurs non régulés se seraient infiltrés, vivraient illégalement dans la Cité. La frontière est aujourd’hui bouclée. Mais que faire de ceux nés chez nous, et qui souvent ne parlent même pas leur langue initiale ? Ils ont perdu toute identité et ne seront jamais Babeliens. Ces jeunes refusent la situation de leurs parents et réagissent peut-être avec un peu plus d’agressivité. La plupart refusent le Retour.

Les Brigades du Repli ont déjà préféré investir les sous-sols de la Cité, piratant l’électricité babelienne et nos nappes phréatiques. Ces phénomènes semblent s’aggraver sans que les Autorités mettent en place de véritables réseaux de répression.

Rappel des faits. Pillages, barricades, affrontements avec les forces de l’Ordre, scènes d’une violence inouïe, voilà à quoi ressemblent, depuis trois nuits aujourd’hui, les courées de la cité de réception 1.9 confrontées à la colère de centaines de jeunes arrivants suite à la mort d’un arrivant de 21 ans dans des circonstances troubles.

Les adultes c’est des cons. C’est vrai, ils comprennent rien aux jeunes. Ils comprennent pas, ils disent pourquoi ils volent ces petits cons, pourquoi c’est des voyous, pourquoi tant de violence ? Comment vous voulez pas qu’il y a de la violence ?

Comment grandir au milieu d’une violence quotidienne ? Tous les professionnels poussent aujourd’hui un même cri d’alarme. Les conduites violentes se développent dangereusement chez les mineurs et en particulier chez les jeunes issus de l’arrivée. Tous avouent leur inquiétude, certains se disent dépassés, d’autres parlent d’une bombe à retardement que Babel aurait sous son nez. Face à une telle constatation, la tentation du tout répressif peut être la plus forte.

La violence ça me fait pas peur. C’est question d’habitude. Le mec qui veut prendre le blouson à quelqu’un, faut bien qu’il soit violent. Il va pas lui dire enlève ton blouson, l’autre il va lui dire non. Alors ça va être la bagarre. Ça va se finir un à l’hôpital et l’autre au commissariat. C’est sûr ça. On va pas demander à sa mère maman achète moi un beau survêtement j’en ai pas. Sa mère elle va lui parler en non-babelien, elle va lui dire tu crois que j’ai de l’argent, c’est déjà bien si je vous nourris. C’est comme ça. Mais c’est pas dur en fait. J’ai grandi comme ça. Comment vous voulez que ça soit dur ? Fallait travailler, fallait pas voler, fallait pas être violent. Ma mère je l’aime ma mère. Hier déjà elle est venue, elle était pas contente. Je sais pas comment vous dire. Tous les jeunes qui font des conneries c’est parce qu’ils ont grandi comme ça, ils ont vu leur frère rentrer avec les menottes, ils ont vu la police venir chez eux à 3 heures du matin, faire une perquisition, faire ça, faire ci, leur casser les couilles. Les jeunes qui étaient dans les caves et qui te disent quand t’es petit vas-y petit va chercher un tournevis pour péter la bécane, va chercher la pince-monseigneur, va chercher ci. Alors après tout ça ça rentre. C’est comme l’alphabet babelien. Ça finit par rentrer. Et ça sort plus. C’est dur de trouver un boulot, c’est dur de trouver de l’argent. J’ai 15 ans mais, je vous l’ai dit, ma mère elle peut pas. Même si elle gagne, y a pas assez. On essaie de faire de notre mieux. Les parents ils ont pas eu de chance. Ils disent que maintenant c’est bien, l’école elle est obligatoire et tout, qu’on peut sortir avec un diplôme, avec un travail. Moi je crois que moi je trouverai pas de travail.

Quartiers de transition, entre angoisse et résignation. Au moment où les Autorités s’apprêtent à prendre une nouvelle série de mesures pour ces zones en difficulté, beaucoup dénoncent un mal de vivre.

Moi quand je rentre de mon travail, je fais mes courses, je rentre chez moi et j’en ressors plus. Déjà mon fils qui a neuf ans qui veut jouer dehors, je l’interdis de jouer dehors.

Moi je suis bien, je quitterais pas le quartier. Faut faire avec. Y en a beaucoup ils ont peur. Vu les jeunes qui traînent en bas.

Les gens ils nous voient. Un groupe de cinq ou six, pour eux on est violents. Ils se rendent pas compte. Y a pas de violence. C’est eux la violence. C’est eux et leurs chiens. Ils sont mal dans leur peau, c’est tout.

Le calme est revenu sur Babel après 48 h d’émeutes mais c’est le calme sur une Cité défigurée. Des magasins ont été détruits, des voitures incendiées et la Tour assiégée. Des pompiers, des policiers, des journalistes et des riverains ont été blessés. Ce matin la ville s’est réveillée sous le choc, comme anesthésiée par une telle flambée de violence. La Cité est toujours sous haute surveillance.

Tension cet après-midi autour et dans le centre de la ville. Les forces de l’Ordre ont patrouillé en rangs serrés autour de la Tour. On comptabilise plus d’une centaine d’arrestations juste pour cette nuit. Des manifestations continuent malgré tout de germer, autour de l’Office des arrivants ou encore autour des bâtiments de l’Office Public. Même si la situation reste, ce soir, confuse, le calme semble être revenu depuis ce matin. Autour de la Tour saccagée, la peur, le découragement, l’amertume ou l’exaspération jaillissent des cœurs et des regards.

Franchement j’ai peur. J’ai des enfants, je voudrais pas que ça recommence. J’ai jamais vu ça de ma vie.

Tout est calme. A peine quelques patrouilles de police. On est loin des émeutes qui ont enflammées la Cité il y a quelques semaines. Sur la Tour, une banderole flotte : plus jamais ça. Qui paiera pour les dégâts ?

Un désastre comme ça c’est écoeurant. Tous les matins on vient travailler ici et regardez ça. C’est malheureux de voir ça quand même. S’attaquer à la Tour comme ça, je sais même pas pourquoi d’ailleurs.


Et puis ce drame qui s’est déroulé dans l’indifférence générale. Un père de famille sans histoire a été littéralement lynché par une bande de jeunes arrivants. Battu à coups de pieds et de poings, il est mort peu après son arrivée à l’hôpital. La victime, un Babelien, travaillait dans une entreprise spécialisée dans le mobilier urbain et fournissait les quartiers de transition en réverbères.

Qu’en ont-ils après nous ?


L’humanité entière sous le choc après l’acte tyranniste le plus grave jamais commis dans le monde. Impossible de donner un bilan pour le moment, on parle d’un nombre effarant de morts.

On a d’abord pensé à un accident.

Vous l’avez bien compris, la Tour n’est plus.

La Cité a vécu un véritable cauchemar.

La Tour n’est plus.

Le scénario est incroyable, digne d’un film de guerre.

L’explosion est terrible.

Des scènes de détresse terrifiantes.

Des personnes prisonnières des gravats.

Dans la rue, les scènes de panique se succèdent.

Les gens sont choqués.

C’est vraiment un jour tragique.

C’était comme un tremblement de terre. Toute la Tour a été secouée, toute la Tour s’est mise à trembler.

Dans la ville les sirènes ne cessent de retentir. Les ambulances affluent de toutes parts.

On parle d’un nombre terrifiant de morts.

D’heure en heure le bilan ne cesse de s’alourdir.

C’est tout simplement inimaginable.

Babel a littéralement changé de physionomie.

La Tour de Babel n’existe plus.

La Tour s’est effondrée.

Des passants recouverts de poussière fuient la zone, incrédules.

De la Tour de Babel il ne reste que des gravats.

Les témoins parlent de scènes apocalyptiques.

Les sauveteurs affluent de toute la ville, risquant leur vie dans les décombres de la Tour.

En s’écroulant, la Tour a projeté des tonnes de débris sur toute la Cité.

Un épais nuage de poussière grise s’est répandu sur Babel semant une panique sans précédant.

Le centre de Babel a été évacué.

A travers Babel, c’est l’humanité elle-même qui a été attaquée ce matin par des lâches sans visages. L’humanité sera défendue. Je veux assurer au peuple babelien que les Autorités mobilisent toutes leurs ressources afin de sauver des vies et de venir en aide aux victimes de ces attaques. Ne vous y trompez pas, les babeliens traqueront sans répit et puniront les responsables de ces lâches actions.

Babel et le peuple babelien doivent être protégés.

Je demande aux Babeliens de se joindre à moi pour secourir les nôtres et pour traquer ceux qui mettront à mal notre détermination.

Nous sommes tous des Babeliens.

Aucun commentaire: