vendredi 4 juillet 2008

C'est nous les traîne-la-patte


Texte écrit par nous, Line-C et Mima du 7/8*, lors d’un week-end glandouille hautement savouré par les amatrices de la glande-molle-attitude que nous sommes. Malgré son apparence légère, ce texte est pour nous très sérieux, et très profond. Il est le fruit d’un vécu et d’expériences trop répétés et marquants pour garder le silence.

Spéciale dédicace à M.A.B.

Fatiguées
Epuisées
Trop crevées
Pas levées
C’est nous les grosses dormeuses

Tranquillou
On prévoit pas
Bordéliques
On range pas
C’est nous les décompo

Pas pressées
Pas stressées
Pas bosseuses
Economes
C’est nous les traîne-la-patte

Deux à l’heure
Indécises
Pas précises
Evasives
C’est nous les 2 d’tension

Bien manger
Bien dormir
Faire la sieste
La grasse mat
C’est ça notre plan

Ignorer les problèmes
Laisser d’côté les gros sujets
C’est ça notre joie

Rigoler
Se détendre
Quand c’est sérieux
C’est normal
C’est nous les gros boulets

L’injonction
C’est pas bon
La pression
C’est relou
C’est nous la dé-pression

Pas bien vues
Pas renommées
Pas reconnues
Mal jugées
C’est nous les sans – statuts

On s’en fout
On sait s’qu’on vaut
Le moindre effort
C’est juste trop fort
C’est nous les boss !

* Fin juin 2008

jeudi 3 juillet 2008

Pourquoi on est allées à la Marche non-mixte du 14 juin, et pourquoi on en est reparties…


Texte écrit par Line-C, une traîne-la-patte.

La marche non-mixte du 14 juin s’annonçait bien : sur le papier du tract d’appel, rien à dire, au contraire, une bouffée d’air dans l’agenda politique du mouvement féministe. Rien à dire sur le fond, le ton, le point de vue ( NOUS) adoptés, le choix de la non –mixité, l’affirmation de notre force collective, pas d’organisation identifiable derrière. Alors on a eu envie d’y aller. On c’est moi et des copines des Rageuses. On y est allées à plusieurs, pour partager ce moment politique qui s’annonçait comme bienfaiteur au sens de thérapeutique pour les unes et les autres : reprendre l’espace sans peur, en force, comme le scandait le slogan le plus réussi de la manif : « LA RUE, L’ESPACE, LA PLACE…POUR NOUS ! », ce qui est énorme vu le parcours du combattant que ça peut représenter de se déplacer au quotidien pour nous toutes.

On y est donc allées. On retrouve avec plaisir des filles venues au Kabar du 11 juin. On constate avec plaisir aussi que nous sommes assez nombreuses, assez motivées à ce rassemblement. Commence la Marche.
Et là, on se met à ressentir du malaise, de la désapprobation, du décalage.
Au niveau des slogans et de l’itinéraire choisi principalement. Et puis on découvre un panneau avec inscrit : « être enfermée ou être voilée, tu parles d’un choix », et rien que là sur ce panneau, ça y est, y a beaucoup à redire !

Les slogans.
Ils sont trop souvent à la troisième personne : elle/elles (elle est harcelée, elle est agressée, elle est insultée, les femmes s’organisent…) et non à la première : NOUS. Et là, j’me suis dit : on n’est pas venues pour les autres, on est venues d’abord et avant tout pour nous-mêmes, on est venues pour crier en notre nom ! Ils sont trop souvent des injonctions (« saute, bouge, crie et frappe »), et des injonctions à faire des trucs balaises : frapper, exploser , détruire, défoncer des crânes.

Et là j’me suis dit : j’suis pas venue pour dire à d’autres femmes ce qu’elles doivent faire, et encore moins pour les faire complexer si elles se sentent pas d’avoir des réponses individuelles violentes aux violences reçues, moi-même j’en suis pas là du tout, et c’est comme ça.
Pareil, j’arrivais pas à reprendre le slogan : « dans tous les pays, dans tous les quartiers, liberté de circuler sans être emmerdées », (ou encore « solidarité entre les nations ») parce que là encore le point de vue est trop détaché : avant de parler de tous les pays (ou de toutes les nations), j’ai envie de parler du mien. Et mettre les quartiers sur le même plan que les pays c’est faire comme ci il y a des pays dans un pays, et ça ressemble à de la focalisation sur les quartiers populaires et indigènes, vu que c’est généralement ce que ça recouvre, « les quartiers ».

L’itinéraire, justement, il passe pour une grande partie à travers un quartier populaire et indigène de Paris, de quoi se demander là encore si cela ne suppose pas que le sexisme est plus spécifique à ces quartiers.

Bref, au final, on est déçues et on se retrouve pas là dedans, une fois de plus. On repart.